CS U16/U18 – DES STADISTES ET DES ÉMOTIONS A FRAUENFELD
Le pic de la saison d’athlétisme reste sans aucun doute les Championnats suisses – un moment haut en couleurs et fort en émotions de toutes sortes. C’était une prometteuse délégation de huit athlètes du Stade Lausanne Athlétisme qui avait fait le trajet jusqu’en terres thurgoviennes pour aller en découdre avec les meilleurs du pays. Pour certains, un podium pouvait même se profiler, ou un top 5 du moins. Mais des Championnats suisses sont aussi le lieu de surprises, de retournements et d’événements, joyeux ou dramatiques. Nos Stadistes l’ont bien compris, parfois à leur dépends.
La rage
Sans doute là où l’on attendait le plus une grosse performance, la finale du 3000m U18M a été difficile à gérer pour Tom Secheyron et Kai Gundlach. Le premier visait au minimum un top 10 et avait clairement les moyens de faire même plus. Mais comme dans tout départ en peloton, les chutes sont inévitables et après moins de 40m, Tom venait goûter au tartan du stade après un dépassement limite d’un adversaire. Se relevant rapidement il a réussi à recoller la tête de course en un tour de stade mais le mal était fait : le mental n’y était plus. Dans une course au rythme très irrégulier, où le meneur a changé de multiples fois, Tom ne pouvait plus suivre la cadence. A trois tours de la fin il a fini par lâcher et doit se contenter d’un chrono de 9’37″13 – bien au-dessus de ses habitudes et de ses attentes. Une course au goût plus qu’amer pour le jeune fondeur qui à l’arrivée avouait son dépit : « C’est décevant. Même si ce n’est pas encore très clair ce qu’il s’est produit dans ma tête, mais cette chute m’a sonné et j’ai eu de la peine à suivre les cadences changeantes. Dès que je recollais, le rythme s’accélérait à nouveau, il fallait produire un nouvel effort. A la fin je ne pouvais plus suivre. » Sa coach Patty Bourgeois était également déçue de la tournure des événements. « J’avais envie de l’étriper [celui qui à fait tomber Tom] ! » Pour elle, la chute était l’élément fatidique. « Bien que Tom ait l’habitude de la piste, c’est la première fois qu’il tombe. Dans ces moments viennent 2 possibles réactions : soit tu te relèves et tu recolles avec la rage, soit ton cerveau te signale pendant 30 à 40 secondes que – hé, tu viens de chuter, il faut calmer le rythme. Donc oui, la chute a clairement gâché les chances de Tom de viser une place de le top 10. Il avait largement les moyens d’aller chercher cette place, voire mieux ». C’est donc un Stadiste déçu et meurtri, recouverts de pansements un peu partout qui a quitté la Suisse-allemande. Rajoutons que sa maigre consolation reste son réalisme, son envie de revenir et montrer ce dont il est capable l’année prochaine.
Aligné dans la même course, le néo-Stadiste Kai Gundlach faisait figure de joker parmi la délégation du club. Fraîchement débarqué des Etats-Unis, le coureur d’origine allemande avait comme unique référence un chrono de 9’32 sur deux miles [environ 3200m], mais pouvait ainsi espérer courir en neuf minutes ses sept tours et demi pour une possible médaille. Mais cette course, comme expliqué ci-dessus, était bien trop irrégulière pour le nouvel athlète de Baptiste Ulrich. « A la fin je ne courrais pas lentement, j’étais en 60 ou 63 le tour, mais la tête de course a imposé un rythme rapide, 57 le tour, que je ne pouvais plus suivre. » Bien que courant dans les traces meneurs, les deux derniers tours l’ont laissé épuisé à l’arrivée, une débauche d’énergie vaine tant la fin du 3000 était endiablé. Cette performance, 8e place en 9’19″21, peut ainsi susciter des questions quant aux espoirs nourris par l’athlète et son coach. Pour Kai une explication se profile assez clairement : « Je n’ai pas couru en compétition depuis quelque temps. En plus, mon chrono de référence suivait une terrible saison de cross-country l’année précédente – avec des fin de courses où je terminais à bout. Donc je m’étais donc mis à travailler très fort aux entraînements, ne relâchant rien pendant la préparation d’hiver. Je ne m’arrêtais devant rien, je courais grâce à ma rage – et cette stratégie a bien marché, étonnamment ! » On aurait pu penser que tout allait marcher mais Kai expliquait être repassé sur du cross-country durant l’été, pas optimal pour son 3000m à Frauenfeld. Fort heureusement, sa préparation pour la suite est déjà toute tracée pour lui. Il reprendra sa base de cross-country pour retravailler dessus et revenir plus fort. « Je suis là pour encore une année donc j’ai vraiment envie de travailler correctement cet hiver avec Baptiste au sein du Stade Lausanne Athlétisme pour entamer de la meilleure des manières la saison prochaine. »
Habitué des grands rendez-vous, Rémy Rossier avait comme « objectif minimum » une qualification en finale U16M : objectif réussi. Meneur durant les 500 premiers mètres de sa course, il n’est passé deuxième qu’à cent mètres de la fin, sans gravité toutefois avec un bon chrono de 1’30″59. Pour la finale, un podium était très largement envisageable. Avec le quatrième chrono des qualifications, Rémy savait que son moment était arrivé, qu’une médaille devait lui orner son cou. Mais le destin peut s’avérer cruel, très cruel. Il restait 120m, Xavier Kolly (loin) en tête, le Stadiste genevois Louis Low-Beer et Rémy juste derrière. Alors que le bronze lui tendait les bras à la sortie du dernier virage, il n’a pas pu tenir la corde, laissant un premier athlète se faufiler devant lui à moins de cinquante mètres de la fin. Pire encore, il s’est retourné, perdant de précieux dixièmes, erreur qu’un second athlète a profité pour aller le gratter dans les derniers mètres… au troisième couloir ! Bien qu’il ai fait son PB – 1’29″25 – Rémy venait de saper sa course, terminant à une rageuse cinquième place. A cela s’ajoutait que ce dénouement de course n’est pas nouveau, c’est même la troisième fois que cela se produit. Le visage sombre, plein de dépit, celui qui devra encore attendre sa récompense – oh combien méritée – est reparti la tête basse mais, espérons-le, avec une envie encore plus grande d’aller chercher un résultat digne de son niveau.
A noter également la venue de Pauline Cardis à Frauenfeld pour le concours du 100m U18W. Assurée par des minimas largement obtenus l’année passée, la jeune Stadiste savait toutefois qu’une qualification en demi-finales serait très compliquée, avec de nombreuses concurrentes extrêmement rapides, tel qu’une certaine Melissa Gutschmidt… Pauline termine 6e de sa série en 13″27, plus d’un dixième de sa marque de référence en 13″11 – mais elle a encore le temps. Il en va de même pour Keanu Simasotchi qui goûtait à ses premiers Championnats suisses sur le 600m U16M. Au moment de tirer un premier bilan de sa course, Keanu affichait un sourire. « J’étais assez fatigué après 300m et ça allait trop vite pour moi. J’ai essayé de crocher et rester coller derrière les autres. Mais c’est une super expérience et j’aimerais réussir à me qualifier pour la finale l’année prochaine ». Voilà qui est dit, rendez-vous pris pour le frère de la fratrie Simasotchi.
Les prises de risque
Gaspar Martinez-Aldama n’en n’est pas à son premier grand rendez-vous et il sait à quel point il faut parfois tenter le diable lorsqu’on arrive à ce niveau. Annoncé sur le 80m, la longueur et la hauteur, il avait les moyens samedi d’aller chercher une qualification pour la finale du sprint. Mais en délicatesse avec son fessier gauche, il savait qu’il courrait à la limite. « Après vingt mètres j’ai senti que ça tirait. En qualification je m’en suis sorti mais mon chrono [9″61] n’est pas terrible. » Ne voulant pas lâcher si près du but, Gaspar était bel et bien aligné sur la demi-finale en milieu d’après-midi. Mais sa douleur est revenue très vite « dès que je levais la jambe ça tirait, c’était très gênant pour ma foulée. » En pleine situation de crise sur le tartan, il a fait le choix, sans doute salvateur, de relâcher complètement sa course et finir loin derrière en 10″22. « J’ai préféré ralentir et éviter que ça pète vraiment. » Renonçant donc également à la longueur et la hauteur du lendemain, le Stadiste a opté pour un autre risque calculé : « maintenant j’espère me remettre au plus vite et pouvoir être sur-pied pour la finale Swiss Sprint du 23 [septembre à Ouchy] où je vise un podium et un chrono sous les 9″40. » Cette décision semble bonne, reste à voir si elle sera payante et que sa douleur s’en aille d’ici là. En attendant, sa remise en forme a commencé dimanche matin par un copieux double déjeuner de gaufres au Nutella, la « Méthode Gaspar » serait-elle la bonne ? On vous donne rendez-vous le 23 septembre devant le Musée Olympique de Lausanne !
Lorsque l’on parle de l’un, comment ne pas parler de l’autre ! Notre fusée Juju – Juliette Dutruy – était alignée sur le 600m U16W pour la dernière fois avant de passer au 800m l’année prochaine. Si pour elle il y a également eu un risque à prendre, il était malgré elle. En effet, dans des séries de qualifications étrangement réparties (5 des favorites étaient dans la même série!), Juliette a du s’employer pour aller chercher la qualification. Dans une folle course, la Fusée a terminé certes cinquième mais avec un chrono et PB de 1’36″64 ! Visage rouge, essoufflée, elle était fière et en même temps agacée. « Je suis contente de mon chrono et d’avoir pu crocher les filles qui sont d’habitude loin devant. » Mais il faut dire que devoir sortir son PB en qualifications implique une débauche d’énergie conséquente, pouvant avoir des conséquences pour la finale du lendemain. Une finale qui a été très compliquée pour le Morgineoise. Dans un départ très physique, Juliette s’est fait bousculer et a du entamer sa course tout à l’arrière du peloton. Pour espérer faire une performance il fallait à tout prix revenir sur la tête de course. Qui dit remontée dit débauche d’énergie – disponible. « J’ai tout tenté pour essayer de revenir au contact de la tête de course mais j’ai payé mon effort en fin du 600. » Crispée et à bout, elle termine 9e avec un très bon chrono tout de même, en 1’38″60 « soit une seconde de mieux que mon record personnel initial. C’est pas si mal. » Avec deux très bon chronos, Juliette reste avec un léger regret sur sa place finale, « j’étais tellement en forme aux derniers entraînements que c’est un peu frustrant de ne pas pouvoir faire mieux le jour des Championnats. » Ça se comprend mais retenons surtout ce nouveau PB explosé de trois secondes, une belle marque qu’il faudra chercher à confirmer par la suite.
Une bonne note
L’entrée en matière pour Salma Dénervaud sur le 1500m U18W relevait plus de la balade de santé qu’une réelle course. Dans une série avec de nombreuses coureuses pourtant rapides, aucune n’a voulu prendre de risque, donnant à ce 1500 un rythme extrêmement lent. Petites foulées, quelques dépassements, les favorites, dont Salma, ont attendu la toute fin pour accélérer sur septante mètres. Les quatre premières étant qualifiées à la place, c’est une chance que Salma ait décroché le dernier sésame car ce n’est pas au temps qu’elle aurait pu accéder à la finale. La jeune demi-fondeuse relativise « je n’allais pas me fatiguer si tout le monde jouait tactique ». Prise de risque calculée mais qui ne lui donnait que peu sur lequel se baser pour la finale du lendemain. Celle-ci s’est jouée dès le premier tour voyant la grandissime favorite Laura Giudice partir seule devant, puis un petit groupe de trois se disputer les deux médailles restantes. « Ça allait trop vite, je voulais les suivre mais impossible ». Salma, se trouvait ainsi entre le trio et le reste, seule au monde, avec une absence de repères et de rythmes flagrants. Arrivée avec une belle 5e place mais un chrono de 4’57″17, elle ne savait plus trop si elle était contente ou déçue : « je visais mon record, sous les 4’50″00, donc niveau chrono je suis un peu déçue. Durant la course j’ai bien senti que je n’étais pas assez rapide pour aller cherche la perf’. Mais bon, je suis tout de même 5e dans un Championnat suisse donc c’est pas si mal. Je ferai mieux la prochaine fois. » Oui, soyons positifs et gardons pour la fin cette belle 5e place !
Quelques perfs’, des déceptions, des frustrations, nos Stadistes devront tirer les leçons de ce week-end quelque peu différent de ce qu’ils prévoyaient. Les retours gagnants, ils sont plusieurs à connaître cela, alors restons calme et attendons la saison hivernale !